L’analyse d’un placement dans l’optique des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) peut soulever plusieurs choses. Une telle démarche pourrait révéler qu’une société a une approche efficace de la durabilité environnementale, ou possiblement que des risques inhérents menacent son modèle d’affaires.

Il faut donc se poser la question : qu’arrive-t-il si on analyse de pareille façon l’approche ESG du gestionnaire d’investissement lui-même?

Déterminer l’étendue de l’engagement d’un gestionnaire envers les facteurs ESG importe de plus en plus car à partir d’aspirations se forment des principes directeurs, qui sont ensuite systématiquement appliqués. Maintenant, un grand nombre de gestionnaires ont un énoncé d’engagement et sont résolus à placer la barre haute. Bloomberg estime qu’en 2025, les actifs gérés selon les facteurs ESG représenteront plus d’un tiers des actifs financiers totaux projetés de 140,5 billions $ US (d’après une croissance de 15 % – la moitié du rythme des cinq dernières années)1.

Premièrement, l’analyse de l’approche ESG d’un gestionnaire peut refléter dans quelle mesure il croit en l’atteinte des cibles ou en l’application de sa politique régissant les facteurs ESG. Certes, les soi-disant fondamentalistes en matière d’investissement responsable (des gestionnaires de placement qui ont fermement incorporé la durabilité et la voient comme étant la seule avenue vers la sécurité financière et le bien-être) sont susceptibles d’adopter une approche robuste pour intégrer les facteurs ESG dans leur analyse. Et leurs objectifs sont sans doute appuyés par un modèle de gouvernance clairement défini. Ils peuvent également bénéficier du soutien important de hauts dirigeants qui ont des responsabilités face au conseil d’administration.

Que doit-on surveiller pour déterminer à quel point un gestionnaire est résolu à intégrer les facteurs ESG? L’historique des analyses ESG régulières et continues des portefeuilles; les ressources ESG attitrées; la collaboration à l’interne et à l’externe; les programmes de formation officiels, notamment.

Il va de soi que les valeurs du gestionnaire dans son ensemble doivent appuyer l’intégration des facteurs ESG; cela crée une culture propice. Une telle culture pourrait davantage responsabiliser les gestionnaires en les encourageant à intégrer les facteurs ESG dans tous les aspects de leurs décisions de placement. Un soutien indéfectible de la sorte favorise la sensibilisation et la réflexion, ce qui peut entraîner la construction de portefeuilles qui intègre encore mieux les facteurs ESG.

Cependant, même lorsqu’elles sont soutenues au niveau de l’entreprise, les approches de placement intégrant les facteurs ESG peuvent se brouiller. Par exemple, un nombre croissant de gestionnaires (titres publics et privés) veulent élargir leur offre de portefeuilles à émissions faibles ou nulles en carbone. D’autres envisagent différemment les placements dans des secteurs comme celui de l’énergie. Tout dépend de qui applique le cadre ESG.

Car d’un côté, il y a ceux qui croient que les sociétés du secteur de l’énergie peuvent soutenir la transition à une économie à faibles émissions, étant donné l’envergure et les moyens technologiques du secteur. Notamment par le développement de méthodes de capture du carbone et l’utilisation du gaz naturel, plus propre, le temps d’instaurer les ressources renouvelables.

Donc d’un côté, certains gestionnaires recherchent les émissions réduites ou nulles, tandis que d’autres y vont de façon nuancée. Pour l’investisseur, il est important de comprendre pourquoi et comment un gestionnaire intègre la multitude de facteurs ESG qui sont intrinsèquement reliés.

Évaluer la philosophie d’un gestionnaire à l’égard de l’engagement actionnarial proactif peut aussi en dire long. L’engagement actionnarial proactif auprès des sociétés représentées au sein d’un portefeuille au nom des investisseurs témoigne non seulement de la culture d’investissement, mais de la sensibilisation du gestionnaire aux facteurs ESG. Une approche proactive en la matière peut ultimement favoriser la résilience du portefeuille à long terme. Les firmes d’investissement et les investisseurs y gagnent.

Surveillance et communications continues

L’intégration des facteurs ESG ne se fait pas du jour au lendemain. Pour en suivre l’évolution, il faut une surveillance continue des mesures prises en ce qui touche l’intégration systématique des facteurs ESG dans la stratégie de placement.

Il peut s’agir d’une analyse quantitative du portefeuille. Ou encore, d’avoir recours à des tiers pour évaluer les caractéristiques ESG de chaque portefeuille. Une telle évaluation impliquerait de surveiller la façon dont les caractéristiques des fonds changent, au fil du temps et par rapport aux pairs, pour relever les cas où le fonds semble s’éloigner de son énoncé ESG.

Le degré de transparence d’un gestionnaire dans ses rapports sur les résultats ESG obtenus aide aussi à comprendre les approches (la sienne et celle du gestionnaire). Il convient d’abord de déterminer si le gestionnaire est signataire des Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies. Si elle l’est, on lui exige de rapporter clairement ses progrès chaque année. Ensuite, l’organisme permet de rehausser encore la transparence en vérifiant et en évaluant les progrès rapportés.

Pour terminer, demandez si un gestionnaire contribue aux pratiques d’investissements durables en échangeant sur les meilleures pratiques avec l’ensemble des acteurs du secteur. Il peut s’agir de participer à des groupes de travail ou à des initiatives axées sur la durabilité. S’impliquer à plus grande échelle dans les questions de principes directeurs et de réglementation, notamment, peut faire avancer les choses et entraîner des changements importants et avantageux pour de nombreux intervenants.